mardi 17 mai 2016

Inner City de Jean-Marc Ligny

Année d'édition : 2016
Edition : Actu SF
Nombre de pages : 324
Public visé : Adulte
Quatrième de couverture :
En quelques années, Paris est devenue une ville fantôme. Ses derniers habitants sont plongés en permanence dans les réalités virtuelles, bien protégés par une enceinte qui garde à l’extérieur, en banlieue, les pauvres et les miséreux. Mais leur vie dorée est menacée par un tueur agissant dans la Haute Réalité tandis que de l’autre côté du périf, la révolte gronde.
Dans ce climat explosif, Hang traque les scoops les plus sanglants pour mieux les injecter (et les vendre) dans ces mondes virtuels pendant que Kriss enquête pour neutraliser ce serial killer...

Roman cyberpunk clef dans la science fiction française et dans la bibliographie de Jean-Marc Ligny (AquaTM, La Saga d’Oap Täo...), Inner City est une nouvelle preuve de l’engagement de son auteur. Il a été couronné à sa sortie par le Grand Prix de l’Imaginaire.


Je remercie le forum Mort Sûre et les éditions Actu SF pour la découverte de ce roman.

Kris est une agent de Mens Sana, une société spécialisée dans la récupération des utilisateurs en perdition dans les confins de la réalité virtuelle. Parmi la population de Paris intra-muros, elle fait partie des rares à être encore capable de se déconnecter de la Haute Réalité pour agir de manière efficace en Basse Réalité. Mais lorsqu'elle doit sauver les victimes d'un fantôme tueur en Haute Réalité, puis traquer ce fantôme, toute sa maîtrise des espaces virtuels pourrait ne pas suffire à sauver son esprit.
Hang est l'un des derniers traqueurs d'images à mettre les pieds sur le terrain. Pour mettre plus de réalisme dans leurs cybergames, ses employeurs veulent de vraies images trash. Alors Hang va les filmer dans Slum City, la banlieue parisienne où règnent désormais la pauvreté et la loi du plus fort. Il y est tout juste toléré, pourtant la véritable menace qui pèse sur sa vie ne viendra pas de Paris, mais de son passé russe.
Quand les destins de Kris et Hang se croisent, c'est l'avenir de la Haute Réalité et de Paris qui se joue.

Inner City est un roman de cyberpunk pur jus : sombre, sale, critique sur notre société, et fascinant.
La plongée dans l'univers que nous propose l'auteur est brutale. Entre le vocabulaire spécifique pour parler de la Haute Réalité (la réalité virtuelle), et l'argot corsé des habitants de Slum City, il faut le temps de s'habituer. Il est aussi difficile pendant une bonne partie du roman d'entrer en empathie avec les deux personnages principaux tant on sait peu de choses d'eux (et la narration plutôt froide et détachée n'aide pas non plus). Pourtant, ça n'empêche pas de se faire happer par ce roman. D'abord parce qu'on souhaite comprendre l'univers que nous propose l'auteur. Comment fonctionne la Haute Réalité, quelles en sont les règles ? Et en Basse Réalité, qu'est devenu le monde ? Est-ce que tout est délabré, ou bien y a-t-il des endroits qui ne sont pas encore devenus fous ?

En réponse à cette dernière question, j'ai d'ailleurs énormément apprécié les passages qui se déroulent en Bretagne, du point de vue de la grand-mère de Kris. Là aussi, le monde semble devenu à moitié fou, mais ils constituent une véritable bouffée d'air après la noirceur de Paris (intra ou extra-muros). Le dernier espoir (mais n'est-il pas sur le point de s'éteindre ?) que l'humanité a encore des endroits où elle pourrait retrouver ce qu'est la vraie vie. Et le personnage de la grand-mère est juste adorable.

Au fur et à mesure qu'on s'enfonce dans le roman (c'est vraiment l'impression que ça donne), on finit par s'attacher à Kris puis à Hang. A espérer pour eux qu'ils trouvent un endroit sûr dans ce monde délabré, et qu'ils prennent conscience de ce qui importe vraiment. C'est là que le roman nous amène le plus à réfléchir. Pas sur ce que pourrait devenir notre société (j'ai accepté le monde que nous proposait l'auteur, mais comme de la fiction, pas comme un avenir réaliste). C'est sur ce qui importe vraiment que le roman nous fait réfléchir. Sur ce qu'est la vie, ce qui lui donne sa saveur, sa valeur aussi. Le passé violent et douloureux de Hang est diamétralement opposé à celui plutôt heureux de Kris. Pourtant, tous les deux ont le même chemin à parcourir pour se "désintoxiquer" de la Haute Réalité. Mais en ont-ils vraiment la volonté ?

La fin est plutôt cynique, puisque l'auteur a choisi de nous montrer qu'alors même que les deux héros semblent avoir trouver enfin une sorte de paradis en ce monde devenu fou, l'un d'eux choisit volontairement de replonger en enfer. La "drogue" de la Haute Réalité est trop puissante.
Notre monde actuel n'en est pas encore là, et pourtant les questions que posent l'auteur ne sont pas de pure fiction.

Au final, je dirais qu'Inner City est un roman sombre, puissant, superbement écrit et mené. Et surtout, très humain.

Chronique de Sytra

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