dimanche 19 novembre 2017

Bienvenue à Night Vale de Joseph Fink & Jeffrey Cranor


Année d'édition : 2017
Edition : Le livre de poche

Nombre de pages : 378
Public visé : Adulte 



Quatrième de couverture : 
Night Vale : une sympathique communauté au cœur du désert, où de mystérieuses lumières nous survolent pendant que nous faisons tous semblant de dormir. Un endroit à part, peuplé de spectres, d'anges et d'extraterrestres, où prennent vie théories conspirationnistes et légendes urbaines... une ville où il ne fait pas bon croiser les créatures encapuchonnées qui ont investi le nouveau parc à chiens interdit au public, où la police secrète a pignon sur rue, où l'acquisition d'un poisson rouge vous fera vous poser des questions sur son régime de souris, où certains jours de la semaine sont annulés à cause de contraintes de calendrier : bienvenue à Night Vale.


Lien sur le site de l'éditeur

Il est des villes étranges, Night Vale est l'une d'elles. Perdue au fin fond des États-Unis, jouxtant un immense désert, on peut y faire les rencontres les plus improbables : les métamorphes y côtoient des employés de bureau qui disparaitront le lendemain dans l'indifférence générale, une inquiétante police rôde dans des voitures sombres et des anges habitent à la sortie de la ville...même si les anges n'existent pas, cela va s'en dire ! Dans cet univers décousu, comment un papier qu'on ne peut pas lâcher pourrait-il perturber encore davantage l'existence pas si paisible que ça de quelques habitants de Night Vale ?



Même si je brûle de commencer cette chronique, je tiens tout d'abord à remercier l'édition "Le Livre de Poche" ainsi que le forum Mort Sûre grâce auxquels j'ai eu la chance de recevoir ce roman en service presse.

"Bienvenue à Night Vale" et moi, c'est une histoire qui date. Peut-être connaissez-vous également le podcast à succès du même nom ? J'adorais écouter les épisodes quand j'étais encore à la fac, c'était tellement loufoque et décalé que ça m'aidait à me vider l'esprit après les heures de cours ou de révisions. C'est donc avec plaisir et, je dois bien l'admettre, un soupçon d'appréhension quant au passage à la version écrite, que je me suis replongée dans l'ambiance complètement barrée de cette ville fictive.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce roman ne peut pas vous laisser indifférent ! C'est quitte ou double. Votre séjour dans cette ville devrait bien se passer si vous acceptez que la folie puisse être sensée et que, même si rien n'a de sens, c'est cette absence qui donne du sens au-delà du récit... Vous suivez toujours ? Je n'ai pas le talent des créateurs et auteurs de Night Vale, mais si vous trouvez ma réplique complètement incompréhensible tout en en redemandant, vous devriez tomber sous le charme de cette bourgade. Au contraire, si les bouquins qui vous tordent les neurones, vous mettent le cerveau en bouillie et soulèvent une myriade de questions sur lesquelles vous allez vous caser les dents pendant des semaines ne vous plaisent pas, alors fuyez ! Ou bien, soyez courageux et tentez l'aventure : si vous  surmontez les cinquante premières pages, c'est que vous aurez été envoûtés par le charme du lieu (ou que vous devenez aussi singulier et délirant que tous les personnages).
En cela, les amateurs du podcast ne seront pas dépaysés. En effet, on retrouve le style si particulier où on oscille constamment entre une narration curieuse et des métaphores paradoxales. Pourtant, loin d'être un simple exercice de style, la critique de notre société à travers des situations ubuesques est nette. Elle se dessine à travers des petites phrases en apparence inoffensives mais qui prennent un sens tout autre si on prend le temps d'en réaliser la double lecture. Tout y passe : la politique, les croyances, la sécurité, mais aussi des choses qui nous paraissent être des banalités quotidiennes, des figures habituelles qui sont pourtant loin d'être exemptes de toute critique. L'humour cynique est parfois présent avec subtilité pour mieux dénoncer, c'est bien vu et frappe souvent vrai. C'est l'aspect du roman que j'ai préféré : il joue et se joue de la double-lecture pour nous livrer une critique acide plaisante. Par contre, ce même élément a été pour moi la source d'une infinie déception : ça juge, ça dénonce, mais nous n'avons droit à aucun approfondissement. La messe est dite, point final. Aucune réflexion qui se porterait plus loin, c'est au lecteur de la mener seul et je trouve cela horriblement dommageable : là où cette absence de profondeur ne gâche pas le plaisir du podcast, l'écrit ne pardonne pas. J'ai eu l'impression qu'on m'appâtait avec des sujets intéressants pour me laisser me débrouiller seule avec tout ce bazar !

Côté récit à proprement parlé, on suit une jeune fille qui a dix-neuf ans depuis plusieurs décennies et qui ne parvient pas à se débarrasser d'un papier portant une inscription bizarre, ainsi qu'une mère et son fils métamorphe en quête d'un père. Néanmoins, ce récit fait pâle figure comparé au travail soigné de l'écriture, tranchante toute en finesse. Le rythme est d'une lenteur exaspérante. Au final, l'histoire n'est qu'un prétexte à toute la construction stylistique. L'ensemble est peu équilibré, trop déluré pour ne pas devenir lassant et la fin est presque trop quelconque pour conclure un tel cheminement. J'avoue avoir oscillé entre soulagement et pincement au cœur en tournant la dernière page, même si cette lecture inclassable restera inoubliable.


En conclusion, on a une base... Une base bien sympathique, quoique totalement déjantée, avec une histoire croustillante qui n'hésite pas à mettre en exergue ce qui ne va pas dans notre société. Toutefois, on reste constamment sur notre faim : on accepte les situations folles, les personnages hors norme et les tournures de phrases étranges pour une seule raison, on en veut plus ! On veut être poussé à la réflexion et pas simplement assister à une succession de critiques sociétales qui finissent par faire catalogue sans qu'aucun approfondissement ne vienne soutenir cet exercice difficile. Bref, déçue de ma lecture... Ma nostalgie de cette fausse émission de radio géniale n'aura pas été suffisante pour que je pardonne les défauts : ce qui est invisible à l'oral ne pardonne pas forcément à l'écrit.

Si ma plume vous a donné envie d'aller écouter cette station radio un peu spéciale de la ville de Night Vale, voici le lien vers le site francophone qui a traduit quelques podcasts en français et les liens vers le site officiel ainsi que vers la chaîne Youtube officielle (en anglais) où vous pourrez retrouver l'ensemble des épisodes de ce podcast phénomène (les émissions paraissent à raison d'une tous les quinze jours).




Points positifs :


  • Un roman qui fait figure d'essai littéraire totalement décalé et loufoque et qui tient de l'exercice de style absurde.

    • Un humour pince-sans-rire plaisant et des métaphores savoureuses. 
    • Des personnages que vous ne verrez jamais ailleurs.
    • Une critique acerbe de notre société grâce à une plume grinçante efficace.



    Points négatifs :
    • Un récit bancal, au rythme d'une lenteur déconcertante.
    • Le style parfois difficile à suivre et qui découragera plus d'un lecteur. 
    • Pour ceux qui avaient aimé le podcast du même nom, une once de déception peut être au rendez-vous : l'écrit se prête moins à ce style que l'oral où les intonations donnent une autre ampleur aux mots et en renforcent le sens.

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