jeudi 7 janvier 2016

Un dimanche soir en Alaska de Don Rearden

Année d'édition : 2015
Edition : fleuve édition
Nombre de pages : 414
Public visé : Adulte
Quatrième de couverture :
Quelques baraques bancales posées sur un monde en sursis. Aux confins de l'Amérique et des glaces, le petit village indigène de Salmon Bay vit ses derniers instants. Bientôt, le littoral cédera, la baie l'engloutira. En attendant la barge chargée de les mener au nouveau site, les habitants disent adieu à la terre – cette terre où plane l'esprit des ancêtres, cette boue où les petites filles dessinent des histoires... Adieu à la toundra pelée, à la station de radio locale où Jo-Jo, le DJ, passe sans fin des vieux disques, aux chemins de planches et aux mélopées yupik... Tyler, le premier esquimau de la planète allergique au froid, Dennis dit " l'Embrouille ", Angelic, Panika, Josh, Junior et les autres – tous sentent pourtant que Salmon Bay n'a pas dit son dernier mot. Avant la grande traversée, pour le meilleur peut-être, le village leur réserve un cataclysmique chant du départ.



Un roman magnifique et bouleversant qui raconte l’histoire de ceux qui pourraient bien être les premiers réfugiés climatiques, ceux qui devront subir les effets du réchauffement, ceux qui devront abandonner leur terre ancestrale vouée à disparaître, et dont l’action nous balade dans un Alaska sauvage et traditionnel.

A Salmon Bay, le réchauffement climatique se fait sentir, le pergelisol devient peu à peu une boue odorante, les moustiques se multiplient et les berges fragiles sont de plus en plus grignotées par l’Océan. Dans ce village au paysage froid et boueux bordé d’un lac d’excréments, aux cahutes bancales et fragiles, où les traditions de pêche et de chasse se perdent peu à peu, un peuple indigène aux conditions de vie précaires résiste, originaire des Yupiks, une peuplade esquimau d’Alaska. Pourtant, ces êtres humains attachés à leur village vont devoir tout abandonner et reconstruire ailleurs, Salmon Bay sera un jour ou l’autre engloutie et pour survivre les habitants n’ont pas d’autre choix que de déménager sur le site du nouveau village, Edward Island. Dans ce contexte dramatique, des vies humaines s’entremêlent bercées par la voix et de l’âme de Jo-Jo, le DJ de la radio locale.

Le roman est riche en personnages éclectiques tous plus attachants les uns que les autres, on vit le drame de la disparition du village mais aussi le reflux des consciences collectives face à des us et coutumes qui disparaissent, leurs vies tristes, précaires, monotones souvent blessées davantage par les addictions à l’alcool et à la drogue. Par omission, on ressent pleinement leurs épreuves quotidiennes : un mal étrange, les réminiscences passées, les problème d’adolescence, les ennuis de couple, leur peur, leur doute mais aussi et surtout leur espoir éveillée. Une ribambelle de personnages variés tout aussi importants les uns que les autres raconte la vie difficile à Salmon Bay : Jo-Jo, le DJ de la seule radio locale et passionné de vélo, le personnage central sans être vraiment le principal, tout tourne autour d’un événement qui arrive à ce personnage ; un accident de vélo et de là découlent des allers-retours temporels par rapport à cet événement, l’histoire est étalée principalement sur cette journée fatidique. Les personnages gravitent autour de ça, Josh, un adolescent en colère, Angelic, une jeune fille qui se retrouve face à une grande responsabilité, Valérie, seule et n’assumant pas sa différence, Ray, le trafiquant local, Eli, l’ancien alcoolique, Auggie, le gentil garçon qui n’a jamais eu de petite amie, Happy et sa bonne humeur innocente, Marcy et Ed, un couple en perdition, Tiffany, la maire qui cherche à assumer ses racines face aux autres habitants, Dennis dit l’embrouille accumule les ennuis, Panika, la petite fille qui dessine des histoires dans la boue au couteau,  Tyler, l’esquimau allergique au froid, Junior et sa passion ornithologique, Tim, empathique responsable de l’armée, Underwood, l’antipathique citadin… De tout âge et tout sexe, aussi différents et opposés puissent-ils être, ces personnages se retrouvent malgré tout unis face à cet événement qui approche : le déménagement. L’Etat américain a décidé de confier l’organisation de cette évacuation inévitable à l’armée, voilà des hommes en treillis et costumes de camouflage envahissant le village, étrangers à cette société. En attendant la barge qui scellera l’abandon de leur vie passée, une violente tempête s’approche du village accentuant davantage encore l’érosion des berges.

On parle donc ici des premiers réfugiés climatiques, d’un village de deux cents personnes qui devra être délocalisé, de catastrophe naturelle imminente, de réchauffement climatique, de fonte des glaces, des saumons qui ne remontent plus la Salmon River, de pergelisol devenu boueux et humide, des thèmes très actuels, des conséquences écologiques dramatiques et des êtres humains qui subissent sans pouvoir rien y faire. Des hommes et des femmes qui continuent de vivre normalement malgré un déménagement inévitable. Edward Island est dans toutes les pensées, mais Salmon Bay est dans tous les cœurs. Don Rearden rend hommage à cet Alaska isolé, parfois abandonné, mais profondément ancestrale et traditionnelle, qui malheureusement semble se perdre peu à peu. Il signe là une histoire de nature, mais surtout une histoire d’hommes, des destins, des vies liées, unies dans cette épreuve difficile, abandonner sa terre, son chez soi, pour construire une nouvelle vie à quelques dizaines de kilomètres de là. Et cette nature qui reprend ses droits, effraient, menacent. C’est fort, intense voire même haletant, qui succombera ? Qui survivra ? La mort rôde mais la vie et les croyances n’ont pas dit leur dernier mot… Une écriture rapidement envoûtante, passée les premiers paragraphes pouvant se révéler déroutant, emporté par la vague des mots intenses et si simples de l’auteur, on suit avec rythme et passion ses destins croisés non épargnés. C’est humain et beau.

En bref, un excellent roman humaniste que signe là Don Rearden, une œuvre sur une thématique forte et actuelle qui laisse un frisson d’inquiétude une fois la dernière page tournée mais également une bouffée d’air frais issue des contrées Arctiques.  Et comme disait Michel Fugain « C’est un beau roman, c’est une belle histoire… »

Je remercie Louve du forum Mort Sure et les éditions Fleuve pour ce magnifique partenariat.
 
Chronique de Walkyrie

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