lundi 26 novembre 2012

Magies Secrètes de Hervé Jubert

Année d'édition : 2012
Edition : Le pré aux clercs ( Pandore)
Nombre de pages : 327
Public visé : Young Adult
Quatrième de couverture :
L'empereur Obéron règne sur la cité de Sequana. Le tyran veut faire disparaître toute magie, c'est pourquoi il persécute les êtres féeriques. Certains parviennent à trouver refuge dans l'hôtel de Georges Beauregard, l'ingénieur-mage qui travaille officiellement pour le Pouvoir.
L'agent de l'ombre se voit confier une mission par le Ministre des affaires étranges. Depuis quelques temps, des sorts s'abattent sur les proches de l'empereur. On soupçonne le Visage, une entité maléfique qu'il a jadis affrontée. Profitant du désordre, les habitants féeriques répandent la terreur. Miroirs maléfiques, jouets magiques qui se transforment en machines de cauchemars, personne n'est à l'abri. Beauregard est directement concerné car il est le fils d'une fée et d'un mortel. L'ingénieur-mage devra choisir son camp…
Une écriture talentueuse, exigeante et généreuse, solidement documentée. Une fresque pleine de furie, de merveille et de magie.


Je vais commencer par ce qui m'a surpris dans le mauvais sens : la couverture, qui n'est selon moi pas du tout fidèle au contenu. En effet, Beauregard est assez différent de celui que l'on voit sur la couverture (il a le nez cassé, par exemple, or ici il semble comme neuf, ses cheveux ont les tempes grisonnantes, etc.), et quant à Jeanne, pour tout vous dire, elle est décrite comme une jeune fille frêle, rousse, pleine de tâches de rousseurs, et pas une fois habillée de la manière présente sur la couverture. Bon, ce n'est pas très important, mais comme j'avais adoré la couverture, découvrir qu'elle n'était pas du tout fidèle aux personnages m'a plutôt agacée.
Passé cette déconvenue... c'est un excellent roman qui m'est passé entre les mains. En avant pour l'avalanche de compliments en dépit de ce début de chronique en demi-teinte. ^^

Magies secrètes, c'est un livre-monde : vous l'ouvrez, vous êtes ailleurs, pas juste parce que c'est un roman, mais parce que tous vos repères sont renversés et que, au fond, l'intrigue importe peu. Ce qui compte, c'est d'explorer Sequana...

Sequana, une ville qui ressemble étrangement à Paris, telle qu'elle aurait pu être si les féériques l'avaient peuplée avec nous. Un "Autre-Paris", issu d'un "Autremonde", une notion qui n'est pas présente dans le roman mais que j'estime tout à fait parlante ici. En effet, j'ai cru reconnaître les rues, les lieux, et les références culturelles, comme ce cher Haussman, architecte séquanais qui souhaiter des rues droites et des bâtiments neufs, au lieu des enchevêtrements de ruelles et d'impasse entre des immeubles biscornus et tout de guingois. Sequana, c'est la ville qui se modernise, dont l'architecte en chef cherche à rendre un peu de raison et de droiture aux plans, et qui par là-même chasse l'obscurité pour un trop plein de lumière, chasse la magie contre la raison. Bref, Sequana, c'est la métaphore de la modernité en marche, celle qui détruit et reconstruit. Celle qui menace les feys qui la peuplent. Mais l'intrigue n'est pas là. Ça, c'est juste le contexte, déjà hyper riche... vous ne trouvez pas ?

Dans cette ville à deux visages, à deux vitesses, vous avez un riche foisonnement de créatures, lieux étranges, personnages... c'est un régal que de les découvrir, les voir passer dans le décor. Toutes ces références culturelles, de la mythologie grecque (ah, la salle de bal de Pompéi !) à la mythologie égyptienne (ah, le personnage truculent d'Isis !), des romans de cape et d'épée (Balagniiiiii) aux poètes obscurs... pour vous citer un exemple concret, on retrouve une référence à l'Exposition d'art contemporain qui avait tant fait scandale à Paris à la fin du 19e siècle... un salon officiel, qui n'acceptait pas les photographies, seulement les peintures des courants dits "canons" à l'époque. Les photographes avaient aussitôt monté un contre-salon, si mon souvenir était bon, qui avait limite attiré plus de monde que le salon original... un sacré scandale artistique de fin de siècle, en somme, autour de la reconnaissance de la photographie comme art ^^ Eh bien voyez, cette anecdote historique réelle a été adaptée par l'auteur, à sa sauce, et glissée dans une note de bas de page (sur lesquelles je reviendrai juste après) : il y a plein de revisitages comme ça, et j'ai adoré les débusquer ^^
L'ambiance est celle de la fin du 19e siècle, avec la magie de l'inconnu écrasé par la science et le progrès toujours en mouvement. C'est très bien retranscrit, tellement qu'on se croirait en train de lire un roman qui se passerait dans un contexte historique réel, tant l'ambiance de fin 19e siècle est palpable, familière, présente.

Tout ça pour dire que, dans ce roman, de multiples références se croisent et foisonnent, à la sauce steampunk en somme. Il y en a tellement qu'on s'y perd un peu parfois mais, paradoxalement, c'est un sentiment que j'ai apprécié à ma lecture. De même, les notes de bas de page sont nombreuses, et si elles m'ont gêné au début, j'ai fini par prendre le pli et m'habituer à les lire avant de reprendre le cours de la phrase où la note était référencée.
Ajoutez à cela un style assez travaillé, parfois ampoulé mais jamais excessif, et vous obtiendrez un roman assez "touffu", complexe voire difficile à lire, mais toujours surprenant, agréable et d'une étonnante habileté ! C'est plein d'une auto-dérision discrète mais efficace, que j'ai vraiment apprécié aussi.

Mais, et l'intrigue policière, dans tout ça ? Je vous avoue que, en lisant, je l'ai trouvée bien secondaire. Déjà parce que Sequana et ses personnages sont fascinants et, d'autre part, parce que Beauregard, bien qu'il soit censé être enquêteur, se laisse surtout porter par les événements. Et on finit par se laisser porter avec lui, sans trop se soucier du dénouement, étant surtout avide des découvertes sur Sequana et ses habitants...

J'ai toutefois apprécié toute la réflexion menée en filigrane de ladite enquête, qui porte sur les masques et les jeux d'identité, à la fois dans la réalité réelle et dans la réalité théâtrale. Même dans la réalité réelle, de qui sommes-nous le masque ? Que montrons-nous ? Je ne sais pas si l'auteur voulait soulever ce point de philosophie mais, moi, c'est ce que j'ai trouvé dans ce roman : une réflexion sur l'identité, personnelle et culturelle, et la conversation de celle-ci. Une réflexion à brûle-pourpoint qui se tient au cœur d'une ville qui cherche à préserver son identité propre et sa magie, en dépit du progrès qui vient l'écraser.

En conclusion, Magies Secrètes est un roman exigeant et intelligent, rythmé et spirituel truffé de bonnes idées et de personnages attachants. S'il est parfois compliqué à lire même pour un lecteur avisé, et si certaines références culturelles me sont restées obscures, ça n'a pas gêné ma lecture, et j'ai savouré chaque page.

Merci aux éditions le Pré aux clercs et au forum de Mort-sûre pour ce roman reçu en partenariat. Encore un beau moment de lecture ! J'ai hâte de me procurer les autres titres de la collection Pandore, qui me semble vraiment prometteuse... ^___^

Chronique de GabrielleTrompeLaMort

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Georges Hercule Bélisaire Beauregard est ingénieur-mage. Il est aussi détective au sein de la féérie et propriétaire d'un hôtel où bon nombre des êtres féériques trouvent refuges pour échapper à l'empereur de Sequana qui cherche à tous les faire disparaitre. Alors que Beauregard vaque à ses occupations, il est contraint d'enquêter sur l'enlèvement du neveu de l'impératrice, Udolphe. Assisté par Jeanne, une jeune fille qu'il a trouvée au fond d'un puits et qui ressent les émotions de ceux qui l'entourent, il n'a que peu de temps pour réussir sa mission. Toutes les douze heures, l'un des membres de la victime sera envoyé à l'impératrice jusqu'à ce que Beauregard parvienne à trouver ce que cherche le kidnappeur. Mais dans le monde de la féérie, il faut se méfier des apparences !
Magies secrètes est un roman qui surprend. Avec la quatrième de couverture, on ne s'attend pas à une telle richesse dans l'univers et à un style aussi efficace. J'ai eu la sensation de lire un classique du XIXe siècle avec la manière qu'à l'auteur de manier ses phrases et de faire interagir ses personnages. C'est étonnant, mais néanmoins très agréable. À ceci près que cela ne rend pas le roman accessible à tous les lecteurs tant il faut apprécier la finesse de l'histoire et les nombreux jeux de mots et comique de situation.
Il m'a fallu un moment avant de me sentir très à l'aise avec ce roman. Le début fut un peu laborieux tant c'est riche et complexe. L'intrigue met cependant un peu de temps à se lancer et au début, on assiste à la découverte d'un monde enchanteur, mais aussi un peu effrayant. Et j'ai aimé ce duel entre obscurité et enchantement. C'est très bien écrit à tel point que cela nous semble naturel. L'enquête que va mener notre héros est assez étrange et je pense que certaines choses m'ont échappée puisque pour bien comprendre et savourer pleinement cet ouvrage, il faut à tout prix être concentré pour ne pas passer à côté de tous petits détails qui ont une grande signification. Je disais donc qu'on suit une enquête pour le moins troublante puisqu'on a très peu d'indices tout au long de celle-ci, si ce n'est des hypothèses que formule le héros. Lui-même ne semble pas tellement prendre au sérieux le kidnapping, j'ai eu la sensation qu'il le laisse un peu de côté pour se concentrer sur des tâches plus importantes à ses yeux comme l'apprentissage de Jeanne. Il va la prendre comme apprentie et beaucoup trouveront cela étrange puisqu'elle semble totalement humaine, mis à part le fait qu'elle ressente les émotions des autres. J'ai beaucoup de mal à rédiger mon avis parce que j'aimerais évoquer tant de choses, mais je crains de spoiler, et là n'est pas le but.
Déjà je peux vous dire que ce roman je l'ai un peu lu comme on lit un Pratchett. Avec beaucoup de seconds degrés, surtout grâce aux (trop ?) nombreuses notes de bas de page, qui par moment m'ont fait perdre le fil de ma lecture. Non pas que ce n'était pas intéressant, mais là aussi l'auteur nous donne un tas de détails et d'informations qu'on peut avoir du mal à assimiler! Aussi je me demande si vraiment ce roman est à classer en jeunesse. Oui les héros sont jeunes, du moins les plus importants, encore que Beauregard m'a semblé vieux par rapport à ses réactions et son langage. Un dandy du XIXe siècle, voilà comment je l'ai perçu.
Entre magie ( l'écharpe de Jeanne par exemple) et technologie ( des robots) l'univers en devient différent et unique. Des références il y en a à chaque page : Isi, Obéron, Titania, Arlequin et même Jeanne qui je ne sais pas pourquoi m'a fait pensé à Jeanne d'Arc dans sa manière d'entendre des voix ( avec la statue vivante par exemple). Alors oui Magies secrètes c'est un roman bougrement complet, mais parfois trop et comme je le disais le héros comme nous lecteur, relayons sans souci l'enquête au second plan pour apprécier pleinement les richesses de Sequana.
Les personnages ont d'ailleurs tous un caractère bien trempé ! Aucun ne se laisse faire, ni la jeune fille amnésique, ni le cheval qui l'adore ! Et le mélange des personnages étonne et plaît, seulement je pense que les plus jeunes seront imperméables au sens de l'humour de ce roman qui d'après la fin aura une suite.
C'est un monde unique et magique comme le titre l'indique, mais qui demande un grand effort de concentration pour parvenir à mémoriser tous les détails et toutes les informations donnés pendant la lecture .
 
Chronique de Louve

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