dimanche 13 décembre 2015

Métaphysique du Vampire de Jeanne-A. Debats

Année d'édition : 2015
Edition: Mnémos
Nombre de pages : 277
Public visé : adulte
Quatrième de couverture :
Raphaël est un drôle de vampire. Non seulement il est vieux et immortel, mais il entretient un rapport ambigu avec le Vatican. Pour tout dire, il travaille en sous-main pour lui… comme espion assassin. Normal, avec ses dons de vision, ses capacités surnaturelles, Raphaël ne peut être qu’un agent hors normes ! Or, voici qu’il doit se rendre au Brésil, mis sur la trace d’un dangereux nazi en fuite, qu’il doit capturer… ou éliminer. Accompagné d’un prêtre, Ignacio, et d’une vampire, Dana, le voici embarqué dans une sombre aventure où la moindre erreur peut se révéler fatale. Mais Raphaël pense. Lui.



http://www.editions-actusf.fr/jeanne-a-debats/metaphysique-vampire

En plus du roman éponyme, la réédition dans la collection Hélios de ActuSF comporte 3 textes (ainsi qu'une postface) :
- Lance,
- Ovogenèse du vampire,
- La fontaine aux serpents.

Ces titres ont pour narrateur commun Navarre, personnage à la morale ambivalente, accessoirement le grand point fort de ce recueil.
Navarre n'est pas le genre de vampire qui nourrit des lubies romantiques, bien au contraire, même s'il est par certains aspects un incontestable cœur d’artichaut. C'est surtout une créature qui a vécu et ne se plaint pas des prolongations. J'ai adoré son pragmatisme à toute épreuve et son opportunisme modéré.

Surtout, ce que j'ai apprécié, c'est que l'on sent l'ancienneté de ce vampire, son expérience est distillée non seulement au fil des textes (qui se déroulent à des époques différentes) mais aussi dans ses remarques, ses réflexions, ses a priori, les souvenirs qui affleurent ou l'antipathie qu'il peut ressentir envers certains de ses semblables (là, je ne parle pas uniquement des vampires...).
Les textes sont ainsi émaillés de détails qui donnent de la profondeur à Navarre. Jeanne A. Debats a donc réussi haut la main un exercice sur lequel plusieurs auteurs que j'ai lus se sont méchamment ramassés : elle nous dit que Navarre est vieux, très vieux, et je l'ai cru sans jamais en douter.

Or, tout ancien qu'il soit, Navarre n'est pas décati, bien au contraire, même s'il lutte contre un certain penchant à la rêvasserie depuis un siècle ou deux. Il sait qu'il est dangereux de se laisser aller à se poser trop de questions existentielles ou mystiques, ça ne lui apporterait rien de bon, si ce n'est peut-être la folie. Cette dernière ne pouvant que l'entraîner vers sa destruction. Donc, il évite de se poser trop de questions. Pragmatique, c'est bien le terme qui le qualifie le mieux.

A ce stade, je suppose que vous aurez compris que j'ai eu un coup de cœur pour Navarre, cependant je n'aurais pas autant apprécié de le suivre si les textes n'étaient pas à la hauteur de ce vampire haut en couleurs. L'auteure parvient en effet ce tour de force de distraire tout en apportant des réflexions de fond sur les relations humaines, la société et ses évolutions, ce qui donne un joyeux mélange : ces textes savent être terriblement (et parfois même horriblement) drôles et pourtant d'une grande pertinence, je continue d'y penser après la lecture.
C'est aussi un peu la raison qui m'a poussée à prendre mon temps pour rédiger ce retour : j'avais besoin d'un peu de recul.
Sinon, j'avais peur de pécher par excès d'enthousiasme... (ce que je ne suis pas certaine d'avoir su éviter).
L'autre gros point fort, ce sont les personnages secondaires. Avec une personnalité comme Navarre, cela n'aurait pas pardonné s'ils avaient été ternes ou effacés. Là, chacun se défend parfaitement, malgré son propre passif, et ça donne des dialogues réjouissant (ou des réflexions de Navarre tour à tour caustiques, blasées, lubriques, admiratives ou agacées, en fonction des moments et des interlocuteurs). Je me suis régalée.

La quatrième de couverture en dit juste assez sur Métaphysique du vampire, je ne vais pas trop en dévoiler sur les autres textes, car je préfère vous inviter à mettre la main sur ce recueil (il est aussi disponible en format numérique !) pour vous faire votre propre avis. Voici tout ce que je dévoilerai sur mon ressenti, et rien de plus :

  • Dans Métaphysique, très drôle malgré la plongée dans l'horreur, j'ai (presque) regretté que Dana ne fasse pas avaler ses dents à cet abruti d'inquisiteur.
  • Dans Lance, le célèbre Lancelot, fraîchement réveillé, est tellement a côté de ses pompes que c'est à mourir de rire. Il faut dire que jeter un tel archétype en plein milieu du XXème siècle... bref, sans commentaire. Mais que Lancelot, au final, donne l'impression qu'il se sent plus proche des nazis que de ceux qui les ont combattus, avouez que ça fait froid dans le dos.
  • Dans Ovogenèse, j'ai adoré les réflexions de Navarre sur la Londres pré-Victorienne, sa crasse et sa puanteur, avant qu'il n'y découvre une sublime rose anglaise qui le chavire (mais pas forcément dans le sens où il l'aurait voulu...).
  • La fontaine aux serpents reste le texte le plus surprenant, je ne m'attendais pas à cette plongée en pleine SF ; Aaliyah est peut-être le véritable personnage principal de cette novella... je n'en dirai pas plus, son évolution, la façon dont elle impose ses choix après l'horreur vécue sont d'une grande force.
Chronique de Roanne

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